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Le Vieux Montargis

Photographies et cartes postales anciennes - Montargis d'hier et d'aujourd'hui

Le Vieux Montargis

Photographies et cartes postales anciennes - Montargis d'hier et d'aujourd'hui

Article publié le 14 octobre 2025
Dernière mise à jour : 18 octobre 2025

C. Robert (pseudonyme) - Edouard Isidore Buguet

Photographe à Montargis de 1877 à 1880 et de 1885 à 1890 (environ)

Sommaire

A propos du photographe - C. Robert (Edouard Isidore Buguet)

Édouard Buguet (1840-1890)

Photographe d’atelier, photographe spirite.

Dès que François Arago a, dans la séance historique de l’Académie des Sciences du 19 août 1839, rendu publics les procédés de Daguerre, tous les inventeurs petits et grands se sont dépensés sans compter pour tirer parti de la nouvelle invention. Elle a été utilisée à tout: le portrait – tuant au passage la miniature et les miniaturistes – le paysage, la recherche scientifique, la gravure, etc, pour n’évoquer que les premières décennies, car ne lui devons-nous pas le cinéma, la télévision, les procédés de fabrication des composants électroniques, etc? Peu parmi ces petits génies, et les grands aussi, ont songé à photographier l’invisible; alors que le très sérieux Edmond Becquerel s’en servait pour étudier les parties invisibles du spectre solaire, certains ont prétendu réussir à photographier les fantômes! Edouard Isidore Buguet est de ceux-ci.

Né à Saint Mard de Reno (Orne) le 13 juillet 1840, il apparait dans la corporation des photographes vers 1865 à Dijon où il exerce 2 cours du Parc. Comme l’écrasante majorité de ses confrères, il semble avoir limité son activité au portrait, production qui a connu un extraordinaire développement au Second Empire.

Après la guerre de 1870-71, il apparaît à Paris, en association avec Graffe, au 11 place Saint André des Arts. Cette collaboration a été de courte durée puisque dès juillet 1873 il s’installe seul au 5 boulevard de Montmartre où il reprend l’établissement de Tissot-Dupont.

C’est alors que la Revue Spirite, « journal d’études psychologiques », fondée par Allan Kardec, publie une série d’articles sur la photographie spirite à Paris: « Depuis quelques temps nous entendions dire qu’on obtenait des photographies spirites chez M. Buguet, 5 boulevard Montmartre (.) Nous nous rendîmes chez M. Buguet; nous trouvâmes en lui un artiste sans prétentions, plein d’aménité, qui apprécie très bien sa faculté pour ce qu’elle est, c’est à dire un acte pur et simple de médiumnité. Suit une longue description de la méthode du praticien: « La tenture placée derrière la personne à photographier est en papier, l’instrument dont on se sert est l’objectif ordinaire que nous avons pu inspecter intérieurement et extérieurement. Le calme et le silence sont ordonnés, M. Buguet fait une évocation mentale, il se concentre, et l’épreuve, ou quatre épreuves obtenues successivement sur le même cliché, sont portées au laboratoire où le médium les développe devant cinq personnes.

Au fil des mois de 1874, la revue va publier des comptes rendus des activités de Buguet, avec expertises et contre-expertises, et des portraits photographiques où l’on distingue, derrière le personnage principal, une silhouette en demi-ton revêtue d’un voile; ces portraits sont collés à des emplacements réservés dans le texte, car la technique ne permettait pas encore d’imprimer les photographies à bon marché.

On rendra compte même d’une séance réalisée à la lumière du magnésium. Les résultats sont d’abord décevants; les expérimentateurs supposent que la fumée causée par la combustion a pu gêner la matérialisation des esprits. Après avoir activement ventilé la pièce, on obtient enfin des résultats satisfaisants. Mais on est entre spirites convaincus, et, avant de lever la séance, on interroge les esprits qui répondent complaisamment: « Si la fumée produite par la combustion du magnésium est pour vous un sujet d’ennnui, pour nous qui n’avons pas en jeu un appareil respiratoire, elle est un souci; fils de la lumière, nous préférons les rayonnements bien purs à l’opacité des rayonnements que vous avez produits d’une manière artificielle. Vous le voyez nous avons à lutter contre un nuage condensé dont les molécules sont trop denses.

En février, la revue rapporte que « il y a 12 à 14 ans, Allan Kardec racontait dans une soirée qu’à Dijon il y avait eu, sur les carreaux de vitres d’une maison l’empreinte des traits d’une personne morte depuis quelques mois. (.) Allan Kardec disait: dans quelques années en vous plaçant devant un objectif, si le photographe est médium, vous obtiendrez l’empreinte bien dessinée des Esprits, cela est promis » Que s’est-il passé réellement à Dijon? S’agissait-il déjà d’une farce de Buguet ?

Car bien évidemment Buguet est un farceur. Ou un escroc, car il se fait payer la coquette somme de 20 francs. Que beaucoup s’y soient laissé prendre prouve seulement à quel point ils avaient envie d’y croire, car certaines des photographies publiées, pas tout à fait réussies, montrent manifestement une double exposition, ce que le matériel utilisé à l’époque permettait de réaliser facilement. Il aura fallu semble-t-il une année pour qu’on s’en rende compte.

Brusquement, fin 1874, la revue cesse de parler de lui. Et il disparait.
En janvier 1876, son bail est repris par Auguste Blin, un photographe de Roubaix. Buguet est alors poursuivi pour dettes par Mesureur, entrepreneur de plomberie. Par jugement du Tribunal de Commerce de la Seine du 12 mai 1876, il est déclaré en faillite; le tribunal ordonne que « la personne du failli sera mise en dépôt dans une maison d’arrêt » Mais Buguet se cache; il a pris garde de paraître à l’audience; il est sans domicile connu, et le juge commissaire demande la clôture des opérations faute d’actif (1).

Il se cache, et pourtant il ne va pas loin.

On retrouve sa trace en octobre 1877 à Montargis, mais sous le nom de C. Robert. Il publie une annonce dans l’Indépendant de Montargis (n°55 et suivants) : « Photographie Artistique, Ancienne maison Ed. Peigné, C. Robert de Paris, successeur. Médaille d’or exposition de 1867. Spécialité de photo émail,… »

Il s’inscrit à l’Almanach du Loiret sous le nom de Robert, et sa patente pour 1880 est au nom de Robert Edouard. Aux listes électorales de Montargis, à partir de 1879, il se fait nommer Buguet Edmond.
Ce ne sera qu’à partir du recensement de 1886 qu’il reprendra sa véritable identité: Buguet Edouard.
Mais, déjà en 1880, la liste électorale mentionne correctement la date et le lieu de sa naissance.

Jules Edouard Peigné, son prédécesseur, était originaire d’Orléans. Il avait d’abord été photographe à Orléans en 1860, au 2 rue Vieille Monnaie. Puis il est arrivé à Montargis en 1861. Son adresse est tantôt 2 rue des Vieilles Etuves, tantôt 36 rue de Loing, mais sans probablement changer de local; il y avait installé une terrasse vitrée et chauffée qui permettait d’opérer par tous les temps. C’est ici que des photographes vont se suivre jusqu’au siècle suivant.

C’est d’abord Edouard Hy qui succède à Buguet en 1881 ; ce photographe pose une énigme: il porte le même prénom que Buguet, et le même nom que la proprétaire de Buguet au 5 boulevard Montmartre ; on retrouvera un Edouard Hy à Cosne en 1883.

Puis c’est Achille Delêtre qui quitte Tours et s’installe à Montargis de 1882 à 1885, et Buguet prend sa place à Tours, au 2 rue des Fossés Saint Georges. Là, il ne dissimule plus son identité; il ne prend même plus de précautions: « Artiste peintre, ex-opérateur des premières maisons de Paris telles que Valéry, Nadar, Liebert, Disderi, deux premières médailles en 1881. »

En 1886, Delêtre quitte Montargis, vraisemblablement pour Angers son pays natal. Et Buguet reprend sa place à Montargis. Il est appelé Buguet Edmond à la liste électorale de 1887, puis Buguet Edouard Isidore à partir de 1888; la patente pour 1891 est au nom de Buguet Robert. Mais à cette époque, c’est un Robert qui figure à l’Annuaire du Loiret et au Bottin. Le dos de ses photographies porte le nom C. Robert, mais à ceci près il est le même que celui des portraits réalisés à Tours, et il y annonce les mêmes médailles obtenues aux expositions; ces récompenses seront reprises dans le même temps par Larippe qui lui a succédé à Tours; qui les a véritablement méritées?

En 1891, il est remplacé par un Italien, Fernand Rovelli ; celui-ci partira en 1896 s’établir à Vesoul.
Il sera remplacé par Paul Lagrange; et lorsque Lagrange préférera Bourges, il sera suivi par Lador à partir de 1900.

On ne saurait dire alors ce qu’est devenu Buguet, s’il est encore en vie, s’il est en prison, ou s’il profite de ses rentes. Photographe d’un talent tout ordinaire, son principal mérite est de nous avoir amusés aux dépens de rêveurs naïfs et exagérément crédules.

SOURCE :
Bulletin N°101 – 3ème série – Mars 1996 / Société d’émulation de l’arrondissement de Montargis
BUGUET-ROBERT PHOTOGRAPHE SPIRITE par Jean-Marie Voignier

(1) -Archives de Paris, Dl IU3-835, dossier 2094.

Ses adresses à Montargis étaient :
Place Du Cerceau / Place de l’église
et 36 rue du Loing – Montargis

Galerie photo - Edouard Buguet à Montargis

Autres portraits

Photographies spirites

Photographies spirites - 1873 - L’esprit de l’empereur Napoléon III apparait à l’impératrice Eugénieen

En 1857, l’Impératrice Eugènie reçoit aux Tuileries le célèbre médium Daniel Douglas Home. L’influence de ce dernier devient telle auprès de la cour que le ministre des Affaires Étrangères et fils naturel de Napoléon 1er, Alexandre Colonna Walewski, presse l’empereur de le chasser du chateau. Après avoir été démasqué durant une séance de spiritisme à Biarritz en compagnie de l’Impératrice, Home voit son prestige décliner. L’entourage de l’Impératrice s’inquiète du discrédit qu’entraine une pareille relation. Walewski écrit à un proche d’Eugènie : “Envers l’Impératrice, conduisez-vous comme je vous l’ai indiqué. On ne peut répondre à l’amitié qu’elle vous témoigne, qu’en lui étant utile, et nous ne pouvons lui être utiles qu’en lui disant la vérité et même en lui déplaisant s’il le faut.”.
C’est dans un contexte de fascination et de défiance envers le spiritisme, soutenu entre autre par Camille Flammarion, qu’Édouard Buguet ouvre un studio au dernier étage du 5 Bld Monmartre. Ses dons médiumniques sont vantés dans la Revue spirite et ses débuts en tant que photographe connaissent un beau succès. Il propose à ses clients de réaliser leur portrait en compagnie de la personne décédée, proche ou personnage public, qu’il souhaite invoquer. L’Empereur

Napoléon III meurt en janvier 1873 après avoir vu son état de santé et sa capacité à régner décliner durant une dizaine d’années.
Cette épreuve inédite montre une femme dont l’allure rappelle celle de l’impératrice (coiffure, profil, tenue), presque de trois quart dos, la tête posée sur sur sa main gauche surmontée par le spectre de l’Empereur. Cette pose peu commune renvoie en outre au portrait de l’impératrice réalisé par E. Flamant sur lequel cette dernière fait face au mur, se détournant complètement de l’objectif pour ne montrer que sa chevelure au photographe. La mise en scène du couple impérial dont les pratiques spirites étaient célèbres à la cour constitue une publicité sans équivalent. Pourtant, aucune épreuve similaire n’est connu à ce jour hormis l’apparition de l’empereur à Miss Blackwell. Le procès mené en 1875 contre Buguet révéla que toutes ses épreuves étaient des surimpressions. Malgré la condamnation et les aveux des prévenus, nombre des clients refusaient d’admettre que l’apparition d’un proche sur la surface photographique n’était qu’une supercherie, montrant la complexité du rapport à la photographie en cette fin de siècle.

Bibliographie :
Pierre de Lano, Le Secret d’un empire. L’impératrice Eugènie, Paris, Victor-Havard, 1891.
John Harvey, Photography and Spirit, Londres, Reaktion Books, 2007.
Clément Chéroux, Andreas Fischer et alii, Le Troisième oeil : la photographie et l’occulte, Paris, Gallimard, 2004.

Photographies spirites - Autoportrait d'Édouard Buguet

Tribunal - Jugement d'Edouard Buguet - 12 mai 1876

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